La pratique des contraires
Un bon conseil pour l'apprenti est de pratiquer les opposés car il y a beaucoup à découvrir du grand écart.
Explorer systématiquement les contraires nous force à ne pas céder à l'évidence ou à l'auto-limitation. Sinon on se retrouve en atelier avec un groupe qui travaille de façon similaire au format A4 avec un criterium ou un stylo noir. De plus on s'exerce alors dans des efforts très différents, souvent complémentaires et on enrichi son expérience. Autrement dit, pour apprendre il faut se contrarier, sortir de sa zone de routine. Et si j'insiste sur ce point c'est qu'il y a chez de nombreux apprentis une résistance, on rechigne à sortir des sentier battus, on se contente d'attraper ce qui est à portée de main, par paresse ou par manque d'imagination. Et oui, il faut au moins admettre une fois qu'on ne sait ni dessiner, ni ce que peut être le dessin, ça peut aider. Donc ni orgueil ni autoflagellation ou peur paralysante. Tout n'est qu'un jeu. Alors jouons-le. Et pour ceux qui se plaignent de ne pas savoir quoi dessiner ou comment voici des suggestions à mettre en pratique.
Micro / méga
Il faut dans un même temps se frotter au très grand format et au timbre poste. Pourquoi? Parce que ce sont deux pratiques du dessin très différentes comme deux planètes. Il s'agit de deux postures du corps contraires : concentration en un point, repli sur soi / expansion dans l'espace, explosion. Travail du poignet / travail du bras, des épaules, du bassin, pourquoi pas des pieds et des jambes. La difficulté étant d'amener la même densité, la même tension, le même équilibre dans une miniature et dans une fresque. Après on pourra choisir l'une ou l'autre voie mais pas par défaut, par sa propre expérience.
Sol / mur
Dans la même optique, on peut alterner entre travail à plat sur table ou au sol (suivant le format) et travail à la verticale (chevalet, mur). Dessiner assis ou debout. On peut aussi s'exercer à dessiner sur un plan incliné (table à dessin inclinable de type architecte) assis ou debout.
Dedans / dehors
Le dessin à l'intérieur va de soi, dans le calme d'un atelier ou en groupe mais il faut s'exercer le plus possible à la prise de note graphiques longues ou rapides à l'extérieur (carnet de croquis) en ville, dans la nature, à la plage, dans un concert, dans les transports publics. Les conditions extérieures (climat, lumière) pimentent et enrichissent la façon d'observer des variations, s'adapter au bruit et aux imprévus. Favoriser des rencontres, des discussions. Bref de se frotter à la vraie vie.
Statique / mobile
Dessiner d'après modèle vivant (un incontournable dans l'acquisition des bases en anatomie et proportions) sur la base de pose plus ou moins longues. Faire son autoportrait face au miroir ou de tête. Mais aussi dessiner des gens en mouvement dans la rue, ce qui force bien souvent à travailler sa mémoire visuelle quand on a commencé à saisir une situation qui se déplace ou disparaît. Dessiner des animaux. Des enfants.
J'aime / j'aime pas
Je crois qu'il est une approche répandue: celle de forcer un apprenti à utiliser les outils, techniques , supports, formats qu'il déteste. C'est un bon moyen de dépasser des blocages et des à prioris. Dans le même esprit, cela peut concerner les sujets sur lequel on a plus de faiblesses. Pour les uns le portrait, les autres le paysage, les décors. Il faut éviter de refuser les obstacles car bien souvent ce sont eux qui nous en apprennent le plus.
(à suivre)