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4 mai 2014 7 04 /05 /mai /2014 10:08

Possessions

 

C'est en voyant sur un même plateau de télé Ernest Pignon Ernest  et Joan Sfar que je me suis dit qu'ils incarnaient tous deux des postures opposées face au dessin. Je vais essayer de développer ici mon intuition à partir de leus propos.

Ce qui me permettra peut être d'approfondir ce qui se joue dans le rapport à ce langage qui devient dans le même temps deux façons d'être au monde, deux rapports à soi et aux autres : antagonistes. Etre possédé ou posséder.

 

D'un côté E.P.E parle de l'importance du lieu, du contexte, de la mémoire du site, du moment, d'où tout naît. Le dessin, dit-il est presque secondaire, en tous cas pas le plus important, une sorte de stimulation du déjà-là, "stigmatiser le lieu" comme il le formule. D'ailleurs cette trace graphique (originaux au fusain et pierre noire ou reproduction sur papier journal fin et fragile) finira par disparaître, comme un souvenir. Travail qui intègre sa propre finitude. C'est comme si E.P.E était possédé par les choses, possédé par le dessin, hanté par les lieux. Dessiner n'est qu'une suite logique découlant d'un regard, d'une relecture. D'abord on observe longuement un site, on s'imprègne de sa mémoire, infusé par un état de fait ou déjà-là, ensuite on propose. On sent une grande modestie chez lui, une volonté de s'effacer derrière son travail. Mais sa fragilité est sa force. Il opère comme une sorte d'acupuncture en soulignant les détails, révélant ce qui était caché.

 

De l'autre, Sfar (et là je vais plus m'appuyer sur ce que je sais et ressens de son travail que sur ses propos dans cette émission - La grande librairie sur France 5) possède ses sujets, occupe l'espace, les hantent. C'est un conquérant (le mot "virilité" dans sa bouche va dans ce sens) qui s'approprie, pose ses marques, fait territoire de tout feu, même de celui des autres qu'il s'approprie. On pourrait presque parler de Sfarisation. Il Sfarise Gainsbourg, Brassens, le petit Prince, Romain Gary. Ce qui fait du petit vampire son autoportrait parfait (l'animateur évoquait les 140 histoires dont il était l'auteur, c'est dire la gourmandise plus proche de l'ogre!). Je ne dis pas du tout qu'il n'est pas légitime de le faire, ni qu'il le fait sans succès, ni encore qu'il ne tire sa substance que de celle des autres. Je pense plutôt à la façon de faire. A l'instar du fameux mur de la maison de Gainsbourg qu'il fait repeindre et recouvre de ses dessins (pour les besoins de son film). J'y vois quand même une certaine violence. E.P.E aurait pu faire quelque chose sur ce même mur mais on imagine assez facilement qu'il n'aurait pas gommé les traces anonymes mais plutôt qu'il s'y serait mêlé jusqu'à s'y effacer. On retrouve la même tension et le même contraste entre le land art Anglais et Américain. Deux postures opposées. Le bavard et le silencieux, le démonstratif et le discret. le spectaculaire et l'infra mince.

 

Etre possédé ou posséder. On pourrait presque y voir la polarité féminine / masculine. Ce qui me rappelle le jeu Picasso / Matisse où une même époque voyait se défier deux géants. L'un la couleur et la volupté, l'autre le dessin et la violence. Jusqu'à se confondre et se compléter puisque Matisse ira de plus en plus vers l'épure du trait et Picasso troquera parfois sa palette aux tons rompus pour une explosion des couleurs. Si on veut continuer dans cette orientation bi-polaire on peut aussi évoquer Orient et Occident : contemplation et action. Fragilité et modestie / puissance et pouvoir. Impermanence / désir d'éternité. 

 

Là où les choses s'équilibrent en quelque sorte, c'est que Sfar est dans une fragilité du trait quand E.P.E est dans une maîtrise, une force graphique. Encore une fois le talent n'a pas de chapelle, il y a beaucoup de finesse chez l'un et chez l'autre, dans le discours et le dessin. Ma préférence va à l'état de possédé, de traversé plusqu'à la possession et au pouvoir. Plus à la façon de faire les choses qu'à la chose dessinée elle-même. Personnellement je trouve que le talent de Sfar culmine dans "Pascin" (sa pertinence, son audace, l'esprit d'expérimentation font merveille), j'ai un peu laché son travail d'après (peut être à tort). 

 

Pour terminer sur cette opposition possédé / posséder, j'en profite pour l'inscrire dans ce qui arrive dans la société actuelle. Nous vivons un combat à mort où on a l'impression qu'il n'y a de place que pour le pouvoir et la possession.Ne réussissent et ne survivent que les puissants. On humilie les faibles. J'irai même jusqu'à dire qu'on veut salir l'idée même de fragilité et d'humanité pour lui préférer l'efficience de la machine. Sans doute même la détruire pour instaurer une sur-humanité. Mais si j'ai mené cette réflexion c'est aussi pour insister sur une évidence : la force est faible et la faiblesse forte. L'avenir sera celui du possédé, du doux, du féminin (pas un hasard s'il y a aussi guerre des sexes, prise de pouvoir sur les femmes). Là où en art la tension des deux n'est qu'une des possibilités de mettre en place une esthétique, dans le concret cette vison virile du pouvoir et de la possession tuera toutes formes de vies sur terre. Mais il y aura un point de rupture. L'acier casse, le roseau plie jusqu'au sol mais se relève.

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3 mai 2014 6 03 /05 /mai /2014 14:55

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Je suis en train de travailler sur une sérigraphie en 4 couleurs pour un projet d'exposition organisé par Loïc Dauvillier. Vous avez peut être reconnu et le thème et ma source d'inspiration...

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24 avril 2014 4 24 /04 /avril /2014 14:41

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23 avril 2014 3 23 /04 /avril /2014 17:07

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22 avril 2014 2 22 /04 /avril /2014 00:51

3 jours à Metz, à l'occasion du salon littérature et journalisme. Invité (et très bien accueilli) par la librairie Hisler bd. Merci à Séverine! 

 

 

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21 avril 2014 1 21 /04 /avril /2014 22:32

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Plage de Saint malo. Baigneur matinal.

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20 avril 2014 7 20 /04 /avril /2014 21:53

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La tournée des dédicaces a commencé à Saint Malo, ville où j'ai vécu enfant. Je me rappelle encore m'être perdu dans le port, je devais avoir 4-5 ans. Mes parents avaient une maison à Ploubalay, amusant non? Quoi qu'il en soit, je voudrais remercier Brice de la librairie L'étagère pour son accueil. C'était très agréable!

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27 mars 2014 4 27 /03 /mars /2014 09:22

Il semblerait que Falaises reçoive un très bon accueil si j'en juge les premières réactions. C'est très bon signe pour la suite.

Je vous livre ici ces premières critiques.

 

Celle de David Fournol pour commencer :

 

"

Cette bande dessinée s'ouvre sur une très belle et très touchante préface d'Olivier Adam, écrivain dont le livre, à servi d'adaptation aux deux auteurs que sont Loïc Dauvillier et Thibault Balahy. Cette préface, traite de l’interprétation et de l'appropriation personnelle (qui est le principe même de l'adaptation) de ces deux auteurs sur le texte d’Olivier Adam, mais aborde aussi la restitution de certains des sentiments ressentis lors de l’écriture de son propre roman. Autant dire que d’après son auteur, c'est une donc très belle réinterprétation de l'œuvre originelle et effectivement, pour tous ce qui auraient eut l'occasion de lire ce roman paru en 2005 aux éditions de l'olivier, la bande dessinée de Loïc Dauvillier et Thibault Balahy est absolument parfaite, étonnement fidèle aux images uniques que chacun peut se créer à la lecture d'un livre. L'adaptation est au cœur du travail du scénariste Loïc Dauvillier. Le tour du monde en quatre vingt jours et Oliver Twist chez Delcourt, le portrait aux éditions Carabas, l'attentat aux éditions Glenat et à chaque fois un véritable regard sur ce travail si particulier qu'est l'adaptation. Le livre d'Olivier Adam lui permet donc de s'essayer encore à cet exercice de style et lui donne en plus l'occasion d'aborder à nouveau certains de ses thèmes de prédilection préférés: la famille, l'enfance et la complexité des sentiments. Servis par le très beau dessin de Thibault Balahy, une narration originale, un découpage subtil qui joue beaucoup sur la temporalité, une absence de cases qui donne une véritable fluidité au récit et l'utilisation de grands textes narratifs extraits du roman pour démarrer un nouveau chapitre ou soutenir une série de dessins, "falaises" s'impose d'emblée comme un des plus beaux livres de l'année. Mélancolie, tristesse, peine, incapacité à pouvoir influer sur le cours de sa vie, douleur, deuil, solitude et renaissance pour un livre coup de poing, absolument bouleversant. Un très grand livre.

Olivier a une dizaine d'années quand il va chercher avec son père et son grand frère, Antoine, sa mère, qui a séjourné six mois dans un hôpital psychiatrique. Six mois, c'est très long, pour un adulte et encore plus pour un petit garçon. Le bonheur des retrouvailles, des vacances, la joie de la revoir, de rire à nouveau, d'aller à la plage, de recommencer une vie de famille ne seront que de courte durée. Une nuit, alors que tout le monde dort, sa mère se lève, sort de la maison et se rend sur la falaise d'Étretat pour se donner la mort. Ce suicide est bien évidemment une brisure dans la vie de l'enfant, un choc, un drame qui va avoir une incidence telle, que toute sa vie future en sera à jamais transformée. Cette mort va bloquer sa mémoire, lui faire oublier, effacer tout ce qui s’était passé avant et l'obliger à se tourner vers un avenir qu'il va falloir maintenant construire.

 


Le jour de l’enterrement, Olivier aurait pu pleurer, hurler, crier, être triste. Mais rien de tout ça ne lui sera autorisé, car son frère, pris d'un malaise, va s'effondrer au beau milieu de l'église. Emmené d'urgence à l’hôpital, Olivier restera seul, seul face à ses oncles, tantes et cousins, alors que son père restera au chevet d'Antoine malade, dans le coma. Pas un son ne sortira plus de la bouche de son frère pendant des années. Le soir, toujours abandonné, c'est une immense maison vide de toute vie, au silence oppressant qui va l’accueillir. Comment faire face à cette solitude, à ce chagrin ? Vers qui se tourner ? Vers qui trouver refuge et réconfort ?

La vie d'Olivier va continuer, bien obligé. Son frère reviendra à la maison au bout d'un certain temps. Leurs relations redeviendront proches mais jamais démonstratives. Celles avec son père quand à elles, sombreront petit à petit dans la violence et indifférence, Olivier se surprenant même certains jours à vouloir sa mort. Olivier va se construire, seul encore une fois, grandir, apprendre à décider par lui-même, partir, découvrir des gens et des lieux différents qui l'entraîneront sur tout un tas de chemins, certains merveilleux, certains dangereux. Il lui faudra beaucoup de temps et d’expérience pour comprendre et connaitre les choses qui font de lui ce qu'il est, appréhender ce qui fait son essentiel, ce qui va lui donner envie de continuer malgré la douleur, la peur, la lassitude et l'incertitude. Et vie jalonnée de différentes épreuves, violentes et injustes, incompréhensibles et dures, mais qui lui ont permis de trouver sa voie. L’écriture d'Olivier Adam est magnifique, que ce soit dans ses romans pour la jeunesse (la plus part aux éditions l’école des loisirs) ou pour les adultes, l'adaptation de Loïc Dauvillier est parfaite et le dessin de Thibault Balahy incroyable. Difficile d'en demander plus"  David Fournol

 

 

Et le coup de coeur de la librairie Momie Metz :

 

"Nouveauté et coup de coeur : Falaises de Balahy et Dauvillier d'après Olivier Adam chez Olivius
Rien à raconter. Pas racontable. Le dessin tracé sur un coin de table, une pauv'table de bistrot pas stable et qui bringuebale, les ombres plaqu...ées, jetées à l'arrache, ...un sentiment d'intimité dépouillé de tout grimage pour aller à l'essentiel : cette gifle qui vous claque à la gueule et précède le malaise où vous perdez connaissance et disparaissez en vous-même.
Il fallait bien ça, tout ça et si peu, c'est à dire justement ça pour hausser le ton intimement, se libérer, comme sait le faire Olivier Adam. Rien n'est raconté mais tout est dit. A vous de voir... les falaises de l'inconscient sont des remparts vertigineux.
Littéralement conseillé."

 

MERCI A EUX

 


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25 mars 2014 2 25 /03 /mars /2014 13:59

 

Je vais essayer de parler de ce qui m'a animé dans la réalisation de Falaises. Au départ c'est Loic Dauvillier qui me propose ce projet d'adapter le roman d'Olivier Adam. La question du suicide y est centrale, celui de la mère du héros-narrateur. Comment aborder ça quand on n'a jamais particulièrement envisagé ce thème dans son propre travail? Comment assumer cette noirceur et la restituer sans tomber dans le pathos? Genre de questions qu'on s'est vite posé avec Loic et que je me suis posé avant même de me lancer dans l'aventure.

 

Pour rentrer dans un récit, il faut que ça nous touche, il faut qu'il y ait suffisamment d'éléments qui nous parlent pour se les approprier.Et la première question à affronter (pour moi entous cas) c'est celle de l'adaptation. Comment je vais rentrer dans le vêtement d'un autre, comment pouvoir le faire sien? Est ce que ça a du sens pour moi? Quel intérêt?

Car je pense qu'il ne sert à rien d'adapter un récit si c'est pour le porter tel quel, il faut forcément le déformer, le découdre et le recoudre, sans quoi on aura l'air faux, déguisé. Ce n'est pas une lecture mais bien une relecture. Sinon à quoi bon?

 

Je me suis appuyé principalement sur le découpage de Loic, j'ai vite compris son respect de l'oeuvre initiale, de son auteur et en même temps de son expérience de conteur. En même temps, je sentais que cette matière première était à habiter et habiller, que le risque (après celui de coller au texte initial) était de coller littéralement au découpage de Loic.

Donc nous avons avancé en tatonnant chacun avec nos systèmes de références, nos expériences avec comme garde-fou de ne pas dénaturer le roman, de rester fidèle à une sorte de ressenti de lecteur (même si c'est un territoire flou).

 

Je pense que je n'aurai pas pu faire ce livre si j'avais moi-même été touché de près ou de loin par la question du suicide. J'avais donc une certaine distance avec le thème et je me suis donné comme défi d'amener de la lumière dans ce climat de noirceur. D'abord parce que je ne suis pas pessimiste de nature, ensuite parce que le roman contenait déjà cette dualité ombre-lumière.

 

Le suicide, donc. Ultime expression du désarroi. Acte-paradoxe. Geste qui gomme tous les autres. Hors-jeu radical. Mystère insondable, question qui n'aura pas sa réponse. Je me suis rendu compte que c'était pourtant ça qui était au coeur même de notre société. Le désir de mort se cache dans la politique, dans l'économique, dans la logique de l'entreprise, dans la solitude urbaine collectivisée, organisée, dans la gestion des ressources naturelles et humaines. Après des années d'une société du spectacle, s'amorce une société de la débâcle, pour finir en société du suicide?

 

Suicide. Je me suis rendu compte que j'avais aussi des choses à dire là-dessus. Kurt Cobain, Vincent Van Gogh et le fameux "suicidé de la société"  d'Antonin Artaud. Suicide collectif dans les sectes. Seppuku politique de Mishima comme ultime tentative de réveiller les esprits de l'antémodernité. Suicide des travailleurs, suicide des fermiers, suicide des ados... La liste est longue et d'actualité. Il n'y a pas un mais des suicides, et chacun a un sens particulier.

 

Qu'est-ce que le suicide d'une mère sinon l'ébranlement de ce point du monde qui nous a permis d'advenir, d'apparaître? Comme une porte qui se ferme. Une fenêtre murée. Un puits vicié, une terre rendue stérile. Je songe à Mère morte, le tableau de Schiele. Je pense à Fukushima. Car notre mère la société se suicide aussi sous nos yeux, part en lambeau, ne nous nourrit plus d'un lait riche mais toxique.

 

Face à la mort, la sienne et celle des autres, il n'y a qu'une chose à faire : tenir droit, avancer, vivre, créer. Pour ne pas suicider sa vie. Car on peut vivre tout en étant mort. Et pour ne pas répandre le mal. Pour se donner une chance de descendance. Pour que la vie soit la plus forte. Pour donner tort aux évènements.

 

Falaises raconte l'histoire d'un homme, une sorte de Job moderne, qui finit par se reconstruire tant bien que mal sur un terrain rasé.

Il fallait être à la fois assez dur pour qu'on réalise un certain degré de violence et assez doux pour ne pas désespérer des capacités enfouies dans l'humain. J'espère y être parvenu.

 

 

 

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18 mars 2014 2 18 /03 /mars /2014 20:50

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Falaises sort en librairie le 20 mars, chez Olivius (L'olivier-Cornelius). J'espère bien être perché dans vos étagères et bibliothèques. Je dédicacerai à la librairie l'étagère à Saint Malo le samedi 5 avril en compagnie d'Olivier Adam, et serai au festival Littérature et journalisme de Metz le week end suivant. Au plaisir.

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