Rendez-vous le 15 juillet à La Coursive (salle bleue) pendant les Francofolies de La Rochelle. Venez nombreux!
THE HEADLESS MAN / Thibault Balahy
Bande dessinée / Carnets / Dessin / Projets / Livres et expos / Site /
Rendez-vous le 15 juillet à La Coursive (salle bleue) pendant les Francofolies de La Rochelle. Venez nombreux!
Je vais essayer de formuler ce que je ressens et de chercher les mots justes pour dire ce qui dépasse les mots. Pas un jour ne passe sans que je pense au Japon et aux Japonais. Il se trouve que je dois beaucoup à ce pays dans ma formation intellectuelle, esthétique et même philosophique. J'ai longtemps pratiqué les arts martiaux, et je tiens de mon père cet amour du Japon traditionnel, lui qui a pratiqué l'acupuncture, le Shiatsu. La pensée Zen est une des plus hautes formes spirituelles et la pureté formelle des arts qu'elle a suscité est une référence à mes yeux.
Plus que l'évènement lui-même, je crois que c'est la réaction face à cette réalité qui me sidère. Fukushima, plus encore que le 11 septembre marque un choc dans l'histoire moderne. J'ai presque envie de dire un point de non retour, le terme de quelque chose. Quel est ce "quelque chose"? C'est ce que j'aimerais pouvoir dire.
Ce qui se passe là-bas nous concerne tous, en tant qu'être humain. Un système qui produit lui-même sa fin, des états qui ne protègent plus ses enfants et qui garde le cap : tout ça est une abberration sans fond. Ce qui se passe là-bas et l'absence de réaction ici prouve la ruine de la pensée, la ruine de l'humanité, la ruine de la raison et de l'intelligence. Nous sortons des schémas "normaux" de la logique humaine pour rentrer dans celle de la pathologie voire de la psychopathie. Comme un récidiviste qui reproduirait les mêmes gestes morbides, les gouvernements restent en majorité vissé à cet outil de pouvoir qu'est le nucléaire. Quel genre de pouvoir est-ce là qui nous rend aussi vulnérable qu'une forêt de pin en été attendant son allumette? La gestion de la crise, par les Japonais mais aussi par les soi-disants puissants qui se sont donnés pour mission de se rendre "maître et possesseur" du monde nous plonge dans le grotesque et l'absurde que n'aurait même pas imaginé un Kafka ou un Jarry. Parce qu'au final, la radioactivité n'est pas japonaise, elle est partout chez elle, elle parle toutes les langues, on commence à manger notre part.
Nous sommes aux limites de la modernité, il n'yaura pas de progrès, toujours plus de mensonges. On peut se révolter pour les retraites, n'y a-t-il pas là une revendication bien plus fondamentale : exiger la cessation de cette industrie de mort? A l'argument fallacieux du retour à la bougie brandit par nos politiques je répond oui, je préfère la bougie plutôt que de me tirer une balle dans la tête ou dans celles des autres.
Et maintenant ce qui me scandalise au-delà de tout : le silence, le divertissement (on nous joue du violon comme sur le Titanic). On s'arrange avec la réalité, mais refuser la réalité pour en inventer une autre, tronquée, faussée, embellie, orientée n'est-ce pas là la preuve uitime dans un contexte aussi préoccupant de l'incapacité fondamentale des puissants de nous diriger, des médias de dire la vérité, de l'inteligentsia de dire et de penser ce qui ne va pas. Peut-on faire confiance à des malades? C'est aux citoyens à refuser ces insultes au bon sens. C'est à chacun d'exiger son dû. Nous qui sommes redevables de tant de choses.
Et les artistes et les poètes doivent prendre le parti de la vie, au-delà de leurs ambitions personnelles. Les Dadaïstes, Le Guernica de Picasso, Munch et son cri poussé face à la montée totalitaire, à l'industrialisation de la guerre... Est-ce qu'il n'y a pas bien plus de raisons de "crier" aujourd'hui? La crise n'est pas économique, elle est culturelle, mentale, spirituelle. Et beaucoup se lèvent ici etr là pour refuser l'innacceptable. Il faut en finir avec ce monde et sa logique mortifère.
Posons-nous la question : sommes-nous encore vivant? Que reste-t-il d'humain dans l'humanité. La réaction d'un ministre qui refuse la discussion quand ça ne l'arrange pas sur un sujet aussi chaud, c'est juste intolérable. Je ne suis pas pessimiste. Il y a des problèmes, il y a aussi des solutions. Personne ne les règlera pour nous. Alors réveillons-nous avant la fin du film.
Je sais qu'on est nombreux à ressentir la même chose sans trop pouvoir cerner le mal. Je suis persuadé que même chez ceux qui ne disent rien et font même mine d'aller bien, ce poids muet les mine de l'intérieur. Plus rien ne sera jamais comme avant Fukushima. Il faut voir ça en face et refuser d'être poussés vers les mêmes logiques et les mêmes geste qu'avant par les mêmes incapables.
Des essais d'affiches pour le spectacle à venir...
Un petit bout de ce sur quoi je suis en train de travailler.
Goju Ryu / l'école de la force et de la souplesse
Le Goju ryu est un style de Karaté traditionnel originaire d'Okinawa. Il allie la force (Go) et la souplesse (Ju), la dureté et la fluidité. Comme une sorte de synthèse entre la sécheresse du karaté (où on endurcit le corps de façon martiale) et la souplesse de l'Aïkido (où toute tension doit disparaître et où on utilise la force de l'autre pour la lui renvoyer). Dans une perspective Taoïste, on pourrait parler d'une alliance entre le yin et le yang, entre le masculin et le féminin.
On peut trouver le même équilibre dans le dessin.
D'un côté la dureté du trait, sa précision, son tranchant pour dire les choses de façon directe. De l'autre le flou, l'indéterminé, l'évasif, dans l'encre, l'aquarelle, la tache pour évoquer de façon indirecte et laisser du champ à l'imaginaire. On peut combiner ses deux façons dans un même dessin ou les utiliser alternativement.
Il est bon d'utiliser toutes les potentialités du dessiner : pas seulement ajouter mais aussi abstraire, pas seulement construire mais aussi détruire, pas seulement l'assurance mais aussi la fragilité. Il y a des moments où il faut être précis et d'autres où il est préférable de rester dans l'imprécision. Du dur au mou et du net au flou.
Ces gradations sont un moyen d'animer le dessin de façon interne en évitant la répétition systématique du même. Un bon exercice étant (pour être complet) de se faire violence et de se forcer là où on ne va pas d'ordinaire.
On peut observer des tendances antagonistes de dessin "mou" ou "dur", fort ou souple (utilisation de peu de contraste, d'outil à pointe fine peu appuyé, ou d'outil épais, mal aiguisé et au contraire très contrasté, aiguisé...), il y a aussi ce que j'avais défini comme les "graphiques" ou les "plastiques", ou encore les "réalistes" et les "abstraits". Il faut essayer de se situer là dedans et se forcer à utiliser les techniques que l'on n'aime pas, dans lesquelles on n'est pas à l'aise (le fusain, le pastel gras pour certains - la plume, le feutre fin pour d'autres) pour élargir sa palette. Et s'entrainer à la justesse et la précision quand on a pour habitude d'éluder et d'évoquer les choses. Aller vers le flou et l'informe quand au contraire on ne dessine que dans l'idée de justesse et de ressemblance.
Ces "sorties de route" ne pourront qu'enrichir son dessin, quel que soit la tendance déjà en place. Dessiner c'est se poser des questions de dessins, essayer de régler des contraintes, dépasser ses limites, aller au-delà de la simple apparence et du visible.
En étant dans la modulation, on peut à la fois être fort et fragile, dur et souple, sec ou mou et ne pas se contenter d'une seule émotion.
Projet bd avec Mathieu Pierloot. Ceci est une pure oeuvre de fiction sans rapport avec l'actualité, vous l'aurez compris.