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9 janvier 2015 5 09 /01 /janvier /2015 16:49

Le 7 janvier au matin, mercredi donc, j'étais dans la classe de mon fils pour faire un petit atelier de dessin. Je leur ai parlé de bande dessinée et de dessin. Du fait de raconter des histoires et faire passer des émotions par le biais de l'image et du texte. Ils ont planché sur le thème de la cour de récréation et je leur ai demandé de faire une page chacun et chacune par groupe de six afin de faire des mini-livres qu'ils pourront ramener chez eux. Du haut de leur 4 ans ils ont bien joué le jeu. Alban avait un peu la pression, de par ma présence, lui qui dessine sans arrêt se sentait un peu bloqué (pour une fois!). Bref, la matinée s'est passée dans une ambience drôle et légère. J'ai même eu le privilège de les voir tout à leurs jeux durant leur récréation, en vie de groupe dans leur classe (ce que beaucoup de parents aimeraient sans doute voir). Autant dire qu'en rentrant à la maison et en apprenant les nouvelles la récré était bel et bien terminée.

 

Comme beaucoup de dessinateurs j'ai voulu témoigner en dessin du drame qui se jouait mais rien ne me venait. Quoi dire et comment le dire? Le contraste entre cette parenthèse joyeuse et créative et cette annonce de mort et de détresse m'a vraiment remué. Alors je me dis que c'est sans doute encore mieux que les enfants prennent ma place. Que la gratuité de leur dessin et leur enthousiasme soit le meilleur hommage aux dessinateurs injustement disparus. Que l'humanité n'oublie jamais son enfance et ne s'enlise pas dans la gravité de ceux qui se pensent sérieux et dont le seul jeu est de vouloir un monde à leur image.

 

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11 novembre 2014 2 11 /11 /novembre /2014 14:09

L'école du regard

 

On est trop focalisé sur comment apprendre à dessiner alors qu'il faudrait d'abord apprendre à regarder. Les deux peuvent se faire de façon concomittante, l'un poussant sans doute à l'autre. Mais ce que je veux dire c'est que le regard est premier puisqu'il détermine tout le reste. A quoi bon passer des années dans un atelier, un cours si ce n'est que pour accumuler recettes et techniques? Il y a une impatience de l'étudiant à vouloir maîtriser des techniques mais c'est peut être aussi un défaut de l'enseignement lui-même que de mettre en avant l'effet plutôt que la cause. Le dessin avant le regard. Après tout on parle toujours de cours de dessin ou d'école d'art et jamais de cours de regard ou d'école du regard.

 

Il convient peut être aussi de distinguer le regard de l'observation. On peut être très fort en dessin d'observation (justesse et réalisme) sans pour autant être capable de dévelloper un regard (une vision qui dépasse la simple somme des parties observées et forme un bloc, une identité, le coeur d'une oeuvre). Les deux engagent l'oeil mais il y a peut être deux niveaux de vision : une capacité optique et une capacité intellectuelle. L'oeil et l'oeil de l'esprit ou encore voir et concevoir. Le très usité "voyez-vous" dans le langage renvoie d'ailleurs à ce que qu'on a comprit plus qu'à ce qu'on a perçu.

 

Saisir, il faut saisir plus que recevoir. Concevoir plus que percevoir. Digérer plus que consommer. On pourrait dire pour simplifier qu'il y a deux sortes de regardeur : le passif et l'actif. Comme nous sommes dans une société du spectacle et de la consommation on voit assez bien ce que veut dire être passif. Le regard, bien sûr, c'est être actif. Autrement dit si on veut résister à l'environnement et reprendre possession de soi-même il faut entraîner son regard. Sans quoi il n'y a pas grand mérite à avoir deux trous dans la boîte cranienne et percevoir les ombres qui s'y projettent. Il faut ouvrir un troisième oeil qui est celui de l'esprit, du témoin qui se voit voir et qui débouche sur notre véritable identité. Les choses ne nous regardent pas et ne nous parlent pas mais il suffit qu'on les regarde pour qu'elles se mettent à parler et nous livrent leur secret.

 

Pourquoi le regard est-il premier? Parce qu'il renvoie à qui regarde, c'est une question d'identité. C'est qui regarde qui importe. Sans quoi nous sommes mis au niveau d'une caméra de vidéo surveillance. Et c'est ce niveau de regard, plus ou moins profond, révélateur, décapant qui détermine la puissance d'un résultat, d'une oeuvre. C'est non pas la quantité, mais la qualité. A quoi nous servirait d'avoir milles yeux comme ces murs d'écrans? Ces milliards de webcams donnant sur rien. Pour voir quoi? Voir tout? Voir tout c'est ne rien voir. Quand un seul oeil, mi-clos, voire même fermé peux toucher là où ça fait mal, là où ça fait sens.

 

Si on a le regard, on a tout le reste. Qui peut le plus peut le moins. On finit par trouver les moyens pour le traduire, le transposer, le transmettre. Pourquoi a-t-on besoin d'art? Parce que sans regards nous sommes aveugles, sans témoins nous n'existont pas. La réalité contemporaine aimerait faire de nous des sortes de morts-vivants obnubilés par quelques fonctions précaires. Il suffit de se mettre en retrait  et de regarder ce cirque, il suffit de se voir faire pour se détacher de ce bruit ambient. Bien sûr c'est dur, on nous laisse de moins en moins de temps pour la contemplation. Mais ce n'est pas impossible. Et c'est la condition pour s'emparer du regard, qui n'est pas donné mais qui se prend, se gagne de haute lutte. 

Regarder c'est apprendre la patience. Travailler avec le temps.

 

Le bon regardeur peut même se passer d'oeuvre et ça fait déjà une belle personne, un être vivant. Un bon regardeur n'a même pas besoin de faire détudes ou d'avoir de la culture. Le regard se cultive de lui-même, casse les codes, les conventions, les murs. On peut avoir une éducation raffinée et ne rien y voir, ne pas savoir regarder. Le désoeuvre actuel vient justement du fait que nous sommes guidés par des gens hyper-capables mais sans regards. Des regardants leurs pieds, regardants les chiffres, regardant leurs profits, regardant leurs nombrils.

 

Alors que le regard est par définition ce qui ouvre, ce qui déchire le voile, ce qui nous porte vers les autres, vers le monde et vers soi. Vous êtes vous déjà fait cette remarque face à une oeuvre qui vous ébranle : il a vu ce que j'ai vu sans que je puisse lui donner forme ou ce qu'il a dit j'aurai pu le dire, on dirait qu'il ne s'adresse qu'à moi, etc.

Bref, le regard vif éveille la vie d'autres regards, comme une contamination. C'est le regardeur qui fait le tableau disait Marcel, c'est aussi le regard des uns qui mettent le feu aux regards des autres. A condition de se mettre à l'affut, en action. Ne pas rester passif. Regarder c'est être vivant, se contenter de voir c'est laisser tomber. Se laisser tomber. S'en remettre au flux et reflux de la perception. Genre de posture hypertrophiée par le message publicitaire qui n'est autre qu'un viol de soi, une vision unilatérale imposée à coup de marteau et qui finit par se retrouver dans le langage politique. Cette violence-là, il faut la déporter sur le réel avec un oeil scrutateur. Il faut disséquer le monde pour ne pas en rester au stade des effets mais remonter jusqu'aux causes. Le monde n'est laid que de notre propre laideur et ne sera beau que de notre beauté. Regarder = résister.

 

 

 

 

"Je leur dirais de conserver une grande curiosité de toute chose. Avoir envie d'apprendre et de savoir. D'apprendre à regarder. Ce n'est pas si simple. 


Je leur dirais également de ne jamais se résigner face au monde qui les entoure. Participer à la vie de groupe pour tenter de l'orienter vers un avenir moins dramatique et moins sanglant est plus jamais que nécessaire. Il ne faut pas se résoudre à l'existence des horreurs. Il ne faut pas dire : "Ce sera toujours comme cela." Non, cela peut changer. "

Théodore Monod

 

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4 juillet 2014 5 04 /07 /juillet /2014 16:56

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3 juillet 2014 4 03 /07 /juillet /2014 14:27

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(états préliminaires à l'affiche Ronnie Rockett.)

 

 

Ce que veux dire chercher

 

 

J'ai déjà évoqué le paradoxe entre vision et cécité dans le dessin, que ce qu'on pense être le lieu même du visible est tout autant lié à l'invisible ou plutôt à l'invu, à l'état d'un aveugle qui tatônne.

On croit voir, on voit mal (mal vu mal dit dirait Beckett). On croit trouver, on ne fait que chercher (malgré le "je ne cherche pas je trouve de Picasso). Je vais donc approfondir un peu cette notion d'investigation, de quête dans l'exercice même du dessin.

 

On peut chercher pour deux raisons au moins : pour soi et pour les autres.

 

Pour soi. Que cherche l'auteur d'un trait qui dépose anxieusement et inlassablement des traces sur la feuille (quand le photographe attend fièvreusement que son image soit fixée sur papier pour ne pas retomber dans les limbes de l'image fantôme qui n' a pas été, n'est pas encore ou qui n'est plus)?

Pour poser des jalons, des bornes dans un territoire qu'il lui faudra du temps à parcourir (lui-même). Comme si sa vie entière n'était qu'une immense page blanche à remplir.

Pour s'exercer toujours mieux à réduire l'écart entre la transposition graphique et l'image mentale qui en est l'origine (latente et fantomatique au même titre que la photo fantasmée mais pas encore prise, ou qu'au négatif détruit). Entre ces deux points il y a toujours la matière, le geste, la fatigue, la maladresse, l'adresse puis l'épuisement. Les deux sont comme deux faces d'une même médaille, à la fois proche et lointaine. Ne coïncidant jamais parfaitement. On passe sa vie à tenter de joindre les deux bouts.

Pour chercher à améliorer, polir, retoucher. Cela peut se faire sur une même base, par couches successives mais aussi par l'addition de productions. A la fin on un tas (comme un chercheur d'or qui fouille la terre), on garde une part, on rejette l'autre. Ne pas se contenter de la première idée / trace venue. Reproduire un même effort, dans une même direction (mais en changeant l'outil, le support, la technique, la rapidité, l'échelle...). Bref, dessiner : tourner autour du pot.

Si on analyse le vocabulaire plastique on trouve le mot "pistes", "recherches". Comme des sentiers, des routes qu'on ouvre, sytématiquement, méthodiquement ou intuitivement. Voilà le dessinateur-éclaireur qui explore un terrain inconnu. Au début c'est blanc, il n' y a rien, il faut se plonger pour voir ce qu'on peut trouver. Certains ont des cartes, des habitudes et savent un peu plus où ils vont. D'autres plus aventureux taillent la friche au hasard ou à l'instinct. N'empêche que tant que ce n'est pas dessiné, ça n'existe pas. Donc tous cherchent, quelque soit la posture.

On peut ainsi chercher en ajoutant ou en retranchant. Ou en ajoutant et en retranchant. L'encre déposée sur le papier est une trace positive, ajoutée pour remplir un vide, occuper une place. Le trait de crayon cherche le bon placement sur ce champ de neige aveuglante qu'est la feuille. Et l'éclaireur fait confiance à une sorte de boussole interne qui lui dit à quel endroit du vide il se trouve et où il doit aller pour aboutir au but qu'il s'était donné. Comparable au modeleur qui rajoute mottes d'argile sur mottes d'argiles pour approcher de la forme. Et si on ajoute trop de matière, de trait, de surfaces, on détruit et perd la forme.

 

Pour retrancher on comparera plus au sculpteur qui partant d'un bloc de pierre ou un tronc d'arbre, évide, creuse, enlève pour approcher au coeur de son idée première. La gomme (ou la rustine) fait retourner au néant ce qui ne convient pas au "chercheur". On pose d'abord un ensemble, puis on en retire des parties, comme le fait la chirurgie par ablation. Corrections finales qui viennent épouser plus étroitement l'image mentale du projet initial comparée à sa projection matérielle. Si on dessine sur carte à gratter on enlève la matière, on retranche jusqu'au point d'équilibre (si on retire trop l'image est détruite). Même remarque pour le graveur (c'est flagrant en linogravure ou lithogravure).

Dans le même temps, le dessinateur cherche aussi sa propre sensation du "ni trop, ni trop peu". C'est une chose subtile qui arrive avec l'expérience et avec l'acceptation préallable de devoir beaucoup rater. Il cherche le point d'équilibre du dessin, ce moment où il faut savoir s'arrêter.

 

Parallèlement à tout cela, le dessinateur cherche aussi l'image, comme une apparition dans le désert. Sachant qu'elle peut venir, ne pas venir, ou venir de façon imparfaite. Dessiner c'est tendre vers.  Viser n'est pas toucher. On touche parfois ce qu'on n'a pas visé et qui se révèle être préférable à son intention première. On tire parfois aussi au hasard. Le dessin n'est prédeterminé qu'à partir du moment où l'on ne cherche plus, ou qu'on ne souhaite que trouver. mais pour le chercheur sincère, la quête est sans fin.

La quête propre au dessin (mais tout autant à l'écriture ou à la musique) c'est encore la recherche du motif et de la variation. La déclinaison autour d'un même thème et qui abouti à un ensemble appelé série qui est cohérente, relié par un air de famille, un fil conducteur. Cela devient littéralement un jeu et c'est une grande part du plaisir issu du dessin et qui tourne en rond, se nourrissant de lui-même tel Ouroboros le serpent mythique.

Chercher c'est aussi, dans sa production, savoir valider et invalider. Retenir ceci et rejeter cela. Apprendre à prendre et à laisser comme le pêcheur qui relache ses petites touches (les laissant ainsi éventuellement grandir pour un meilleur emploi). Chercher c'est savoir aussi quand arrêter de chercher. (1)

 

 

Pour les autres. Dans le cas d'une commande, ajoutés à toutes les données déjà abordées (inhérentes au fonctionnement même du dessinateur) vient la volonté d'un alter ego qui à son tour peut déplacer les horizons, changer les pistes, imposer des outils, des techniques, des supports...), demander des corrections. Il faut alors chercher avec l'autre. Deviner où il veut en venir, où il souhaite aller. C'est la partie humaine, extérieure, sociale de cette pratique qui est un champ en soi.

Soit il y a dialogue, soit il y a un rapport de dominant / dominé. Soit la demande est une question, soit affirmation. Requête ou ordre.

Dans le cas d'un échange harmonieux ou de confiance (la personne connait l'auteur et sait ce qu'elle va avoir ou lui laisse carte blanche). On peut avoir une co-création : c'est le résultat d'échanges, d'allers-retours qui finissent par produire un résultat englobant les deux personnes. On peut aussi envisager dans ce cadre-là une sorte de maïeutique ou l'auteur accouche du désir plus ou moins formulé du commanditaire (là encore mal vu-mal dit, le langage est parfois un frein quand on doit passer du verbe à l'image). Ou encore un dessinateur qui serait médium ou un voyant. C'est à dire qu'il va se mettre "à la place de" pour pallier le fait que son commanditaire ne sait pas ou ne peut pas produire lui-même ce qu'il cherche. Dessinateur-intercesseur qui devient moyen pour une fin. C'est bien là ce qui rend la tache compliquée car variable (comme tout facteur humain) la demande pouvant être confuse d'une part, ou l'attente pas complètement respectée de l'autre. Bref on cherche avec. Ce qui donne lieu parfois à une phase de tatônnement pour que l'un et l'autre se cale. Comprenne sa logique, sa façon de produire. Il faut donc chercher pour l'autre mais sans jamais s'oublier soi. Et les projets sont souvent intéressants à mener car on ne sait pas où ils vont nous mener et de ce fait ont beaucoup de choses à nous apprendre. C'est qu'on n'irait pas forcément dans certaines directions de soi-même. C'est souvent la rencontre de deux mondes (dessin-musique/ dessin-édition, dessin-cinéma, etc). Ici on peut aussi évoquer le travail du couple dessinateur-scénariste.

 

 

Dans l'autre cas c'est la tyrannie. On obéit à une injonction, le cahier des charges est très limité. Ou bien le rapport humain voire le respect, en tous cas l'échange sont déficients. Pas de réactions, de retours. Pour le coup, le dessinateur se retrouve seul et va devoir chercher, errer sans trop savoir où il en est. C'est parfois aussi la marque d'une confiance ou du désir d'être étonné qui laisse chacun dans sa solitude et son silence et qui mène parfois à de très belles choses.

Pour le chercheur-dessinateur face à l'injonction limitée et peu porteuse de créativité il y a deux solutions.

Dépasser la demande (la déplacer ou l'augmenter, l'étendre tout en incluant la demande initiale - qui peut le plus, peut le moins-au risque de finir hors sujet ou de ne plus respecter l'attente de départ) ou encore arriver à faire comme si la demande venait de soi, la passer au filtre de son vécu sensible (pas toujours possible).

Sinon savoir refuser. On construit autant son territoire par les chemins empruntés que par les voies volontairement laissées de côtés. Il faut savoir dire non. On ne cherche pas pour trouver à tout coup. Et il faut accepter que ce qu'on trouve ne soit pas toujours intéressant.

 

On cherche parce que littéralement on ne sait pas où on va, on ne sait pas où on en est, ou qu'on n'a pas atteint le but escompté. Sinon pourquoi passer sa vie à faire semblant. Chercher est à la fois la vexation terrible et en même temps l'accomplissement du dessinateur. Dessiner c'est chercher. La conséquence de la recherche, les fruits de la quête, ce sont les dessins eux-mêmes. Un dessin isolé ne valant pas plus qu'un pas dans le rythme de la marche et dans la joie de l'exploration.

On cherche parce que la réalité n'est pas donnée, que le monde est comme voilé et qu'il faut du temps pour tenter de le dé-couvrir. Et que l'auteur du dessin, pour commencer, est aussi une réalité voilée à elle-même qu'il faudra explorer. Dans un premier temps le dessinateur cherche son propre langage (l'apprentissage). Ensuite il commence à chercher à l'aide de celui-ci (la maturité). Et on ne sait pas toujours précisément quand on passe d'un stade à l'autre, il faut du recul. Comme en montagne où il faut avoir terminer son ascencion pour avoir une vue d'ensemble et remettre les choses dans leurs proportions et justes perspectives.

 

La jeunesse est souvent pressée et veux trouver bien avant de chercher. L'important n'est pas de trouver mais de se questionner sur la valeur de ce que l'on a trouvé et du comment on l'a trouvé. Chaque détail compte.

Savoir chercher, quelque soit son âge, son avancement dans sa pratique, c'est le signe d'une curiosité d'enfant et d'un dessin vivant. Celui qui ne veut pas mourir cherche, reste toujours en mouvement, se questionne.

Le chercheur ne prend rien comme argent comptant, que ce soit une affirmation du dehors ou du dedans, il veut d'abord l'expérimenter.

 

"Que celui qui cherche ne cesse point de chercher jusqu'à ce qu'il trouve" Evangile selon Thomas

 

(1) « La clé de tout art, pour moi, réside dans celui de s’arrêter. Un peintre peut repeindre par dessus son tableau jusqu’à la fin de ses jours s’il ne maîtrise pas cela. » Jack White

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26 mai 2014 1 26 /05 /mai /2014 18:58

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Au retour de l'école.

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4 mai 2014 7 04 /05 /mai /2014 10:08

Possessions

 

C'est en voyant sur un même plateau de télé Ernest Pignon Ernest  et Joan Sfar que je me suis dit qu'ils incarnaient tous deux des postures opposées face au dessin. Je vais essayer de développer ici mon intuition à partir de leus propos.

Ce qui me permettra peut être d'approfondir ce qui se joue dans le rapport à ce langage qui devient dans le même temps deux façons d'être au monde, deux rapports à soi et aux autres : antagonistes. Etre possédé ou posséder.

 

D'un côté E.P.E parle de l'importance du lieu, du contexte, de la mémoire du site, du moment, d'où tout naît. Le dessin, dit-il est presque secondaire, en tous cas pas le plus important, une sorte de stimulation du déjà-là, "stigmatiser le lieu" comme il le formule. D'ailleurs cette trace graphique (originaux au fusain et pierre noire ou reproduction sur papier journal fin et fragile) finira par disparaître, comme un souvenir. Travail qui intègre sa propre finitude. C'est comme si E.P.E était possédé par les choses, possédé par le dessin, hanté par les lieux. Dessiner n'est qu'une suite logique découlant d'un regard, d'une relecture. D'abord on observe longuement un site, on s'imprègne de sa mémoire, infusé par un état de fait ou déjà-là, ensuite on propose. On sent une grande modestie chez lui, une volonté de s'effacer derrière son travail. Mais sa fragilité est sa force. Il opère comme une sorte d'acupuncture en soulignant les détails, révélant ce qui était caché.

 

De l'autre, Sfar (et là je vais plus m'appuyer sur ce que je sais et ressens de son travail que sur ses propos dans cette émission - La grande librairie sur France 5) possède ses sujets, occupe l'espace, les hantent. C'est un conquérant (le mot "virilité" dans sa bouche va dans ce sens) qui s'approprie, pose ses marques, fait territoire de tout feu, même de celui des autres qu'il s'approprie. On pourrait presque parler de Sfarisation. Il Sfarise Gainsbourg, Brassens, le petit Prince, Romain Gary. Ce qui fait du petit vampire son autoportrait parfait (l'animateur évoquait les 140 histoires dont il était l'auteur, c'est dire la gourmandise plus proche de l'ogre!). Je ne dis pas du tout qu'il n'est pas légitime de le faire, ni qu'il le fait sans succès, ni encore qu'il ne tire sa substance que de celle des autres. Je pense plutôt à la façon de faire. A l'instar du fameux mur de la maison de Gainsbourg qu'il fait repeindre et recouvre de ses dessins (pour les besoins de son film). J'y vois quand même une certaine violence. E.P.E aurait pu faire quelque chose sur ce même mur mais on imagine assez facilement qu'il n'aurait pas gommé les traces anonymes mais plutôt qu'il s'y serait mêlé jusqu'à s'y effacer. On retrouve la même tension et le même contraste entre le land art Anglais et Américain. Deux postures opposées. Le bavard et le silencieux, le démonstratif et le discret. le spectaculaire et l'infra mince.

 

Etre possédé ou posséder. On pourrait presque y voir la polarité féminine / masculine. Ce qui me rappelle le jeu Picasso / Matisse où une même époque voyait se défier deux géants. L'un la couleur et la volupté, l'autre le dessin et la violence. Jusqu'à se confondre et se compléter puisque Matisse ira de plus en plus vers l'épure du trait et Picasso troquera parfois sa palette aux tons rompus pour une explosion des couleurs. Si on veut continuer dans cette orientation bi-polaire on peut aussi évoquer Orient et Occident : contemplation et action. Fragilité et modestie / puissance et pouvoir. Impermanence / désir d'éternité. 

 

Là où les choses s'équilibrent en quelque sorte, c'est que Sfar est dans une fragilité du trait quand E.P.E est dans une maîtrise, une force graphique. Encore une fois le talent n'a pas de chapelle, il y a beaucoup de finesse chez l'un et chez l'autre, dans le discours et le dessin. Ma préférence va à l'état de possédé, de traversé plusqu'à la possession et au pouvoir. Plus à la façon de faire les choses qu'à la chose dessinée elle-même. Personnellement je trouve que le talent de Sfar culmine dans "Pascin" (sa pertinence, son audace, l'esprit d'expérimentation font merveille), j'ai un peu laché son travail d'après (peut être à tort). 

 

Pour terminer sur cette opposition possédé / posséder, j'en profite pour l'inscrire dans ce qui arrive dans la société actuelle. Nous vivons un combat à mort où on a l'impression qu'il n'y a de place que pour le pouvoir et la possession.Ne réussissent et ne survivent que les puissants. On humilie les faibles. J'irai même jusqu'à dire qu'on veut salir l'idée même de fragilité et d'humanité pour lui préférer l'efficience de la machine. Sans doute même la détruire pour instaurer une sur-humanité. Mais si j'ai mené cette réflexion c'est aussi pour insister sur une évidence : la force est faible et la faiblesse forte. L'avenir sera celui du possédé, du doux, du féminin (pas un hasard s'il y a aussi guerre des sexes, prise de pouvoir sur les femmes). Là où en art la tension des deux n'est qu'une des possibilités de mettre en place une esthétique, dans le concret cette vison virile du pouvoir et de la possession tuera toutes formes de vies sur terre. Mais il y aura un point de rupture. L'acier casse, le roseau plie jusqu'au sol mais se relève.

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3 mai 2014 6 03 /05 /mai /2014 14:55

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Je suis en train de travailler sur une sérigraphie en 4 couleurs pour un projet d'exposition organisé par Loïc Dauvillier. Vous avez peut être reconnu et le thème et ma source d'inspiration...

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15 février 2014 6 15 /02 /février /2014 16:07
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21 janvier 2014 2 21 /01 /janvier /2014 15:51

Esotérisme du dessin

 

"Car il n'y a rien de caché qui ne sera révélé". Logion 5, Evangile selon Thomas.

 

 

Exotérisme / ésotérime. Ces deux approches de la connaissance étaient évoqués à l'entrée de certaines églises ou cathédrales par la représentation d'un livre ouvert (l'enseignement accessible au plus grand nombre, dirigé vers l'extérieur, on pourrait parler aujourd'hui de vulgarisation) et d'un livre fermé (l'enseignement caché, codé, accessible aux seuls initiés).

 

On comprend bien que le dessin, art de la monstration et de la vision, semble être du côté de l'exotérique. C'est bien pour cela que l'image a toujours eu la préférence des médias, de la publicité et de la propagande puisqu'elle est un langage immédiat, accessible au plus grand nombre. Et les enfants n'apprennent-ils pas le langage (oral et écrit) par le biais de l'image? 

 

A contrario, l'ésotérique est ce qui est obscur, caché, hermétique. Réservé à un public restreint, qui a été initié à des codes, des clés.On pourrait dire que le simple fait d'avoir reçu un enseignement artistique modifie la façon de voir, recevoir et produire les images. Ce qui forment en quelques sortes des "initiés".

 

A part cela, qu'est-ce qui pourrait relever de l'ésotérisme dans le dessin? Qu'est-ce qui y est caché, que peut-on y placer? Le dessin cacherait-il plus qu'il ne montre? Ce qui impliquerait la nécessité dans ce domaine d'une exégèse, d'un décryptage.

 

D'abord, il y a ce qu'on y cache à son insu. Ses peurs, ses doutes, ses joies, ses peines. Les inflexions du trait, la crispation de la main ou sa fluidité nonchalante. L'énergie ou la rage imprimée au papier. La manière de faire visage. De faire corps. De faire paysage. De faire monde.

Et c'est une part importante de ce qui est montré qui ne relève pas totalement du contrôle. Qui finit par nous signifier, qui trahit une présence, une façon d'être, d'occuper l'espace. Comme une manière de serrer la main, de se tenir. 

Si on sait s'observer au travail, on trouve là ses propres obssessions, ses propres blocages traduit en formes. Sur ce point, on peut ou non vouloir chercher à s'analyser. Certains craindront d'y perdre un mystère qui compromettrait leur créativité. D'autres y trouveront justement la matière même ou le sujet de leur réflexion (ce que l'on voit particulièrement dans le genre autobiographique en bande dessinée par exemple).

 

Ensuite il y a ce qu'on enfouit sciemment derrière les lignes de façon concrète ou abstraite. Signes, symboles, paraboles. Tout ce qui peut faire sens, ou qui pourra parasiter, vicier, décaler un sens premier, bien trop apparent. Sur quel niveau est-on? Sens littéral, figuré? Le fait qu'il y ai une possible double lecture est rarement le fruit du hasard. L'auteur sème des graines qu'il espère bien voir germer. Et c'est bien là une préoccupation d'auteur : va-t-on bien voir dans une forme ce que j'ai souhaité y mettre? Est ce que la matérialisation contiendra toujours l'intention qui l'a vu naître?

Comme si il y avait un jeu du chat et de la souris entre l'auteur et le spectateur-lecteur. Comme si l'un plaçait des indices pour que l'autre fasse une sorte d'enquête ou de chasse au trésor,  à rebours. C'est pour cela qu'il est souvent utile de connaître d'un auteur la plus grande partie de son oeuvre pour opérer des allers et retours, recroiser les données pour mieux embrasser un plan d'ensemble. Car la part occulte d'une oeuvre dépasse souvent les questions de temps. Comme si dès ses débuts, un auteur posait les jalons d'une seule et même route. Comme si, par une grâce inconnue, il avait eu la préscience, la réminiscence de l'intégralité du puzzle qu'il allait être amené à composer.

 

Ce qui expliquerait que l'on trouve chez certains dès leurs premiers travaux, comme en condensé, toute la matière développée par la suite. Mais parfois le cheminement est plus lent ou laborieux. On devrait toujours être attentif à la façon qu'a chacun de "rentrer en piste", cela conditionne souvent tout ce qui va suivre et parfois avec une cohérence étonnante.

 

Mais pourquoi cacher quand on pourrait être plus explicite? Il y a plusieurs raisons à cela. 

 

Il y a des choses dures à dire autrement que de façon détournée. Qui seraient atroces ou vulgaires montrées de façon trop évidente.

Il y a des choses qu'on ne peut pas vraiment montrer directement par une image, car trop abstraites.

Il faut composer avec l'intelligence du spectateur et l'inviter à compléter, deviner, résoudre, bref à lire et regarder une image.Il faut compter sur l'intelligence, c'est même un devoir en tant qu'auteur d'être exigent avec soi-même et avec son spectateur (ce qui différencie l'artiste du publicitaire).

Dans certains contextes, on doit parfois détourner des contraintes de censure. On est plus facilement attaqué sur l'évident que sur le subtil.

 

Où et comment peut-on cacher des choses?

 

Partout. Par tous les moyens. Dans la composition, la mise en page, le choix de telle technique plutôt que telle autre, noir et blanc ou couleur, orientations des traits, lignes, jeux des regards, contrastes, symbolique des couleurs / formes / textures, décors ou absence de décor, souci des détails, effacer ou souligner...

 

C'est pour ça que le regard, la lecture est une pratique en soi, qui demande beaucoup d'attention et de souplesse mentale. Et s'il y a un ésotérisme du dessin chez l'auteur (un vouloir dire sans le dire, ou audelà du dire), il faut compter avec les qualités du lecteur/spectateur (un vouloir comprendre sans comprendre, ou une compréhension au delà de l'entendement, intuitive). C'est là où une frontière sépare les téméraires des moins courageux. Un danger aussi étant pour un auteur d'être trop hermétique, et de s'enfermer lui même dans un système trop clos. Si l'on ferme, il faut aussi savoir ouvrir. Sinon l'échange n'est plus possible, ni la transmission.

 

Le bon auteur doit, il me semble, être à la fois abordable et complexe. Comme un oignon constitué d'une multiplicité de couches. Il faut accepter des choses qu'on ne les saisissent pas du premier coup. C'est là qu'elles ont alors beaucoup de choses à nous dire.

 

 

 

 

 

 

 

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20 janvier 2014 1 20 /01 /janvier /2014 15:18

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