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12 décembre 2010 7 12 /12 /décembre /2010 22:00

 

Le plein et le vide

On a l'habitude de concevoir le dessin de façon positive. On pose des choses sur la feuille, des signes qui vont donner à voir, se montrer. Il faut aussi intégrer un élément subtil : ce que l'on ajoute au blanc du papier laisse des blancs, des réserves. S'il y a forme, il y a par conséquent contre-forme. Il faut également prendre celle-ci en considération pour dessiner par le vide. A quoi vont ressembler ces contre-formes? Quelle est la forme que mes vides laissent? On peut améliorer un dessin en l'examinant sous ces deux paramètres.

C'est l'exemple connu de la gestalt theorie (théorie de la forme) avec le vase de Rubin composé de deux profils face-à-face. Si on voit l'un on ne voit pas l'autre mais il n'empêche que l'un ou l'autre est là en creux. Ce "creux" qu'on voit rarement mais sans qui on ne verrait aucune figure se dessiner sur un fond, il faut apprendre à le voir et faire avec. Cela demande un effort au début, mais une fois intégré je pense que c'est un facteur très important pour bien composer un ensemble. Ainsi les parties ne s'accumulent pas mollement par défaut pour construire l'ensemble mais se complètent comme les pièces d'un puzzle.

 

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Cela concerne un forme unique posée sur un fond, si ses contours sont découpés de façon dynamique, cela crée une tension intéressante avec la contre-forme qui la ceinture, les deux se font écho. Mais c'est important aussi quand deux formes se jouxtent ou encore trois, quatre... Jusqu'au all-over, chez Keith Haring par exemple, où on voit un agencement dynamique et des pleins et des vides.

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Autre approche, dessiner littéralement par le vide en remplissant l'espace autour d'une figure, soit totalement soit partiellement. Ce qui est un bon exercice pour prendre conscience de ce fameux creux et de sa valeur.

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"Trente rayons convergent vers un seul moyeu; c'est sur le trou du centre que dépend l'utilité de la charrette.

Nous fabriquons un récipient à partir d'une motte d'argile; c'est l'espace vide dans le récipient qui le rend utile.

Nous fabriquons des portes et des fenêtres pour une pièce; mais ce sont ses espaces vides qui rendent la pièce habitable.

Ainsi, bien que le tangible ait ses avantages, c'est l'intangible qui le rend utile." Extrait du Tao Te King, Lao Tseu.


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11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 00:16

outil inadapté en fonction d'un support

 

Autre défaut courant : le choix d'un outil inadapté pour travailler à grande échelle. Par exemple, un petit pinceau ou une taille de mine trop fine pour couvrir une grande surface. Résultat, c'est laborieux et on voit tous les petits gestes de remplissage là où par exemple un pinceau large aurait couvert une zone d'un seul geste (ainsi la trace laissée est plus ample, participe d'une même énergie). Un trait trop fin sur grand format donne un dessin peu lisible. Ce sont des défauts quand ces choix sont fait par défaut, mais s'ils font partie d'un parti-pris, avec plus de pratique, cela peut devenir des pistes intéressantes.

 

A contrario, vouloir dessiner à petite échelle avec un outil épais (de type pastel gras) enlève de la précision au trait. On sera géné par l'impossibilité de reporter tous les détails que l'on souhaiterait. De même, un crayon mal taillé donne un trait peu lisible et qui perd de sa force. Il faut également prendre conscience de l'échelle de valeur permise par les mines graphites (de H, sec à B, gras) et ne pas les utiliser à contre-emploi (un dessin trop clair et peu lisible / un dessin gras avec des taches) en fonction de ce que l'on vise.

 

Enfin, le choix du support est très important et dicte plus ou moins une façon de faire. Eviter des papiers de faible grammage (type papier photocopie) si on souhaite faire de l'aquarelle ou de la peinture (gouache ou acrylique). Sinon la feuille souffre, gondole, les couleurs apparaissent ternes (mal absorbées par le papier).

 

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Gérer la graisse

 

(j'aime bien ce titre) Où il n'est pas question de perdre du poids mais d'apprendre à doser la graisse (épaisseur) de son trait. Cette question est loin d'être évidente pour le débutant. Où et quand dois-je appuyer mon trait? Cela concerne le dessin au crayon, au feutre et surtout le dessin au pinceau (qui par sa souplesse invite aux pleins et aux déliés).

Le débutant hésite dans ce registre, accentue trop certains traits, certaines zones (ce qui peut casser l'impression de profondeur quand on marque trop l'arrière plan alors que le premier plan est trop léger, ou crée des "noeuds", des déséquilibres). C'est un domaine où on observe l'importance de donner du sens à son trait :

- appuyer sur les ombres, et pas sur les lumières,

- faire ressortir un détail important,

- hiérarchiser les parties dans un ensemble sans créer de tension.

 

On rentre dans la notion de rythme du trait, de vie du trait, de fluidité. Dans un premier temps, on peut déjà s'entraîner à dessiner avec un outil à graisse constante (feutre fin type rotring, feutre, criterium) pour mettre ce problème en attente. Pour tous les autres outils à graisse plus malléable, il faut intégrer petit à petit une gestuelle et une habitude à marquer certains accents (ce qui va animer traits et lignes) là où on le jugera utile (côté ombré, accentuation de détail). Ces accents naissent souvent du fait du simple mouvement de la main, il faut se familiariser avec les réactions d'un outil et s'en servir.

Un bon test est celui de prendre l'habitude au cours de l'exécution du dessin de prendre du recul pour mieux apprécier les zones trop calmes ou celles trop accentuées. Juger de la lisibilité du trait dans la partie et l'ensemble. Mettre son travail face à un miroir permet également de le voir différemment (ce qui fait généralement ressortir les défauts de façon cruelle!). 

 

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10 décembre 2010 5 10 /12 /décembre /2010 00:16

 

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Un beau titre n'est-ce-pas? Ca sort en février 2011, la couverture est une réalisation de votre serviteur (ici, juste une prévisualisation photoshop). L'impression du visage sera accompagné d'une sorte de gauffrage en creux (j'ai déjà oublié le terme exact), autrement dit ça devrait être plutôt élégant (comme à l'habitude pour Monsieur Toussaint Louverture, éditeur de livres originaux et classieux).

Et en plus (ayant lu la première partie de l'opus, je peux le dire) c'est un régal d'écriture, entre Nabokov et Bukowski, Frederick Exley balance entre ironie, distance, humour, finesse, désespoir. 

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9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 11:02

 

 

 

 

 

 

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Photoshop et ses calques permet aussi une décomposition intéressante des images, une relecture.

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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 19:57

Problème de gestion du format

 

Ce cas demande un effort de prévisualisation du dessin, donc une certaine habitude liée à la pratique. Bien souvent, il y a une tendance à venir se coller trop près du bord inférieur de la page. Ou encore à commencer son dessin quelque part dans la feuille sans suffisamment  prévoir la place nécessaire à la suite de la figure (exemple : commencer un corps mais ne pas pouvoir placer les pieds qui sortent du format, ou bien contraint par le manque de place "ratatiner" son dessin pour qu'il rentre dans la surface). Il faut arriver peu à peu à "sentir" les limites du format et s'y adapter, en tirer parti pour que ce qu'on y met soit valorisé. C'est de la composition et de la mise en page. La capacité à composer n'est pas évidente. 

Il faut regarder longuement comment les dessinateurs, artistes mettent au point des stratégies d'occupation de l'espace pour s'en nourrir. La copie peut-être un moyen ainsi que la mémoire visuelle. 

Autre défaut (qui traduit souvent un manque de confiance) : dessiner trop petit par rapport au format, ne pas utiliser pleinement l'espace qu'il nous offre. Dessiner trop petit et ne pas pouvoir figurer tous les détails nécessaires par manque de place ou parce que l'outil est trop épais, inadapté. Ou bien l'inverse : commencer trop grand pour pouvoir finir la forme.

 

On entre alors dans une problématique du cadrage qui rapprocherait le dessin de la photo. Qu'est-ce qu'on montre (choix du sujet, le dessin commence par là)? Comment on le montre (par fragment, en entier, quel cadrage, symétrie assymétrie...)? Pour dire / montrer quoi (choix d'un point de vue : plongée, contre-plongée, frontal, de côté, de dessus...)? C'est en faisant beaucoup de ratés que petit à petit on affine, on corrige pour mieux maîtriser les effets qu'on veut obtenir. Le sens de la composition (ou comment faire interagir les pleins et les vides,les équilibrer, valoriser son sujet dans un espace donné) est une vraie qualité nécessaire au dessinateur (comme au photographe ou au caméraman) que son approche soit celle de l'économie ou de l'excès (tendance à vider ou à remplir, de l'esthétique zen au all-over).

Cela passe, il me semble, par le fait de considérer le format (vertical, à l'italienne, timbre poste ou grand format) comme un outil graphique (au même titre qu'un feutre, un pinceau, un crayon) qui nous permet de traduire une idée, une intention. Tous les paramètres donnent du sens. Rien n'est gratuit.

 

Il y a alors deux approches, soit classique (par la mise au carreau, le respect de règles de composition tel que le nombre d'or, la structuration par des axes médians, bref une sorte de grille) ou intuitive (comme Basquiat, Twombly, Dubuffet par exemple, qui génèrent des ensembles complexes qui semblent spontanés et aléatoires mais qui trahissent un vrai sens de la composition). C'est un peu comme en musique où certains ont besoin d'une règle (le solfège) et d'autres ont l'oreille ou le sens du rythme (parce qu'ils ressentent non pas intellectuellement mais par le corps). L'oeil aussi finit par ressentir ce qui cloche dans un ensemble, les déséquilibres, les faiblesses de rythmes, d'alternances entre contrastes et zones de repos. 

 

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Vous pouvez réagir, préciser, enrichir le propos. Je jette ici mes impressions qui sont fragmentaires. A suivre...

 

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7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 12:35

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6 décembre 2010 1 06 /12 /décembre /2010 13:10

Des erreurs ou travers observés chez les apprentis dessinateurs 

 

Enseigner le dessin permet de voir des freins récurrents, des difficultés qui se posent à un grand nombre et que j'observe dans les travaux de mes étudiants. Je vais essayer de les dénombrer.

 

Dessiner une même chose avec deux échelles différentes.

Travers assez classique puisque l'oeil va du réel au papier et certaines fois l'observation peut être juste au niveau de la partie mais pas de l'ensemble. par exemple on commence par faire un visage à une certaine échelle puis le torse à une autre. C'est le collage des deux qui crée un effet bizarre. Giacometti a dit comment il lui était difficile de fixer une réalité qui à la fois s'éloignait ou se rapprochait de son oeil. Il faut être capable dans ces allers-retours de recomposer, synthétiser, corriger au fur et à mesure que le dessin "monte".

Je crois qu'il faut être attentif à la réalité jusqu'à un certain point mais aussi à un moment donné dépasser cette problématique pour trouver une cohérence interne au dessin lui-même. Bref, il faut regarder son modèle mais aussi le dessin se faire peu à peu. Est-ce que ça tient debout en tant que dessin? C'est plus important que la fidélité photographique. On n'est pas des machines.

 

Tuer le trait.

Souvent, à force de peur et d'hésitations, on revient trop sur le trait et on l'alourdit par trop de reprises. On lit cette retenue dans le résultat final. Certes il est difficile d'attaquer le papier de façon volontaire, sans peur de rater. Il faut faire ses gammes jusqu'à prendre confiance.

Autre aspect : sur un premier trait jeté qui a sa propre force, on veut repasser dessus. Bien souvent cela amoindrit l'énergie première de ce trait, soit en le masquant, soit en le dédoublant. Faire cela est en quelque sorte une façon de nier la première intention et la recouvrir. C'est un peu le dilemme qui se pose quand on doit encrer (notamment en bande dessinée) et certains perdent après cette étape une fraicheur initiale.

Dernière remarque : on est souvent confronté au début à un excès de zèle. On veut trop bien faire, pensant que cela passe par du quantitatif, des détails, etc. Et, sur une base intéressante, tonique, on finit par trop recouvrir et "charger." Combien de fois en passant parmi les tables je vois des choses très énergiques et spontanées et au tour d'après - trop tard- cet état là a disparu, trop recouvert par des"finitions" inutiles. Il faut savoir s'arrêter. Ce n'est pas évident car il y a souvent une peur du vide, on veut finir, remplir. Et puis on se dit : mais si je ne rajoute pas plus de choses ça fera pas fini. Je lutte beaucoup contre cette fausse idée et le travail consiste à faire percevoir à chacun le moment du "stop, ça suffit, il est inutile d'en faire plus". C'est d'ailleurs une problématique et une intuition du timing qui reste au coeur de la pratique du dessinateur, quel que soit le niveau ou l'âge.

 

 

Ne pas trop additionner d'effets 

Chaque dessin doit avoir une logique interne dans sa conception et qui créera une unité au final. Bien souvent, en débutant on tâtonne et s'essaie à plusieurs choses (ce qui est une très bonne chose en soi). Mais cumuler des effets différents au sein d'un même dessin amène des effets parasites ou des surcharges. Par exemple, si pour ombrer, on retrouve deux ou trois types différents de hachures, ça ne co-existe pas toujours de façon heureuse. C'est qu'il faut comprendre peu à peu que chaque trait à un sens, chaque ligne, hachure une raison d'être. Il faut se concentrer sur une logique donnée et l'amener jusqu'à son terme.

Ce qui explique ce défaut c'est sans doute aussi qu'on peut au début trop focaliser sur des signes extérieurs du dessin (techniques, styles...) alors que ces éléments doivent trouver leur raison d'être dans l'observation ou le dessin lui-même et non pas être plaqué comme on rajoute une couleur ou une tapisserie pour égayer une pièce. Cela doit participer de la structure et de la construction même du dessin, non pas de l'habillage ou du remplissage. Ce point acquis pour la plupart reste quand même un facteur subtil. Entre nécessité et artifices, essence et remplissage. Je crois même qu'on peut affiner la question toute sa vie de dessinateur : quel sens je donne à ce trait posé sur la feuille? Cette ligne a-t-elle sa raison d'être ou est-ce du tape-à-l'oeil? On rentre alors au coeur du dessin : l'intelligence du voir et la retranscription d'une émotion juste. 

 

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2 décembre 2010 4 02 /12 /décembre /2010 10:32

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« Lorsque l’enfant était enfant,
Il marchait les bras ballants,
Il voulait que le ruisseau soit rivière
Et la rivière, fleuve,
Que cette flaque soit la mer.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant,
Tout pour lui avait une âme
Et toutes les âmes étaient une.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il n’avait d’opinion sur rien,
Il n’avait pas d’habitude
Il s’asseyait souvent en tailleur,
Démarrait en courant,
Avait une mèche rebelle,
Et ne faisait pas de mimes quand on le photographiait.

Lorsque l’enfant était enfant, ce fut le temps des questions suivantes :
Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi … pas là ?
Quand commence le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est pas qu’un rêve ?
Ce que je vois, entend et sens, n’est-ce pas…simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Le mal existe t-il vraiment avec des gens qui sont vraiment les mauvais ?
Comment se fait-il que moi qui suis moi, avant de le devenir je ne l’étais pas, et qu’un jour moi… qui suis moi, je ne serais plus ce moi que je suis ?

Lorsque l’enfant était enfant,
Les pommes et le pain suffisaient à le nourrir,
Et il en est toujours ainsi.
Lorsque l’enfant était enfant,
Les baies tombaient dans sa main comme seule tombent des baies,
Les noix fraîches lui irritaient la langue,
Et c’est toujours ainsi.

Sur chaque montagne, il avait le désir d’une montagne encore plus haute,
Et dans chaque ville, le désir d’une ville plus grande encore,
Et il en est toujours ainsi.
Dans l’arbre, il tendait les bras vers les cerises , exalté
Comme aujourd’hui encore,
Etait intimidé par les inconnus et il l’est toujours,
Il attendait la première neige et il l’attend toujours.

Lorsque l’enfant était enfant il a lancé un bâton contre un arbre, comme une lance,
Et elle y vibre toujours. « 

PETER HANDKE

(in Les ailes du désir, Wim Wenders.)

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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 20:26

draw2.jpg Dessiner bien ou mal

      

Comment peut-on bien ou mal dessiner et par rapport à quels critères?

 

Premier constat : tout enfant dessine spontanément sans frein, sans connaissances particulières. Sans insister sur la dimension psychologique, c'est là un mode d'expression à part entière, un langage pré-verbal. Cet élan dépasse la question du jugement, du bien ou du mal fait. C'est. Et déjà tout est là : le geste, le trait, la ligne la couleur. Et avec, la vision du monde. A ce stade il n'y a pas de dessin mal ou bien fait. 

 

Deuxième constat : avec le fait de grandir et le fait de se confronter à de nouveaux modèles, à l'idée de réussite  arrive la peur de mal faire. L'envie de maîtrise, de ressemblance. C'est là que se font les différences. C'est aussi le moment où une grande partie des enfants arrêtent de pratiquer le dessin (étant perçu soit comme activité infantile sous sa forme libre, soit comme un choix d'une pratique particulière nécessitant "un don"). Arrive l'idée du bien fait / mal fait. Du je sais faire ou je ne sais pas faire. C'est réussi, c'est raté.

 

Autre chose : certains expriment le désir de revenir à l'esprit de cette époque bénie (l'enfance) par delà le bien et le mal (fait). Une sorte d'enfance de l'art et une volonté de se libérer des contraintes qu'on retrouve chez Picasso, Dubuffet, Twombly, Basquiat et tant d'autres. Dans ce cas on déplace les contraintes : on abandonne la dépendance à la simple ressemblance et au respect de règles pré-établies et classiques (proportions, perspective, mimétisme...). Conséquences? Ré-inventer un langage. Considérer le dessin comme une trace photographique d'un instant, d'une énergie, d'un mouvement. La main "vierge"de l'enfant associée à l'oeil expérimenté de l'adulte. Parce qu'aller contre les règles ne signifie pas absence de règle.

 

Bien sûr, il n'existe pas que ces deux voies : pour ou contre la ressemblance. On peut intégrer une forme de maladresse ou de liberté au sein d'un travail qui respecte certaines conventions classiques et mimétiques. Et la maîtrise peut apparaître aussi dans une approche apparemment maladroite ou ne se voulant pas mimétique. On ne peut donc dessiner bien ou mal que si on ne va pas jusqu'au bout d'une logique : soit dans une perspective de ressemblance (dessin comme reflet de la réalité) soit dans une perspective de liberté sans réellement intégrer les réalités de toute forme dessinée. Même si on vise une forme de maladresse ou de dessin brut, il reste que l'attention se portera quand même sur la gestion de la composition, sur la gestualité du trait, sur la présence des valeurs ou des contrastes. Il n'est pas si facile de faire n'importe quoi.

 

 

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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 00:49

 

 

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Il se trouve que j'enseigne le dessin depuis dix ans et que je continue à penser la même chose qu'à mes débuts : le dessin ne s'enseigne pas vraiment. On peut juste créer des situations de découvertes, poser des contraintes, pousser chacun à se questionner sur sa pratique, mais affirmer une solution : non. J'ai l'impression qu'à commencer par moi-même, on ne m'a pas vraiment appris à dessiner sinon en me donnant des manières de faire qu'il a fallu lâcher plus tard (parce que justement pas les miennes). Et qu'est-ce qu'apprendre à dessiner sinon trouver son propre trait?  Est-ce qu'on peut dire pour l'autre ce qu'il doit être ou faire? Non, il doit le trouver par lui-même.

Serait-ce à dire qu'on n'a pas besoin d'enseignant, que le professeur de dessin est inutile? Non. C'est plus compliqué. Premièrement, surtout au début, on a besoin de trouver un soutien, une estime dans le regard porté sur son travail par l'enseignant (ça a été très important pour moi). Puis ce regard peut aussi être critique ce qui est formateur. On gagne du temps, sinon seul face à son boulot personne pour dire, contredire, recadrer, ouvrir...

Un de mes souvenirs marquant dans mon propre parcours est celui d'une prof d'expression plastique qui descendait mes boulots en me disant que je m'enfermais dans une esthétique "bande dessinée". Au début, par orgueil, ce "refus" de sa part avait du mal à passer! (Il est marrant comme ce qui sort de soi est dur à remettre en question, comme si une critique remettait en cause la personne elle-même). Puis j'ai commencé à intégrer cette remarque, à aller voir du côté de la peinture (l'exposition des dessins de Schiele au musée de la Seita a été sur ce point décisive) et je me suis ouvert à d'autres choses. Cette personne, je tiens à la remercier : merci Anne Nourian. ce travail de sape ne m'a pas interdit la voie à la bande dessinée et m'a permis bien au contraire de revenir à mes premières amours l'oeil enrichit et désinhibé. Que c'est-il passer dans ce cas? M'a-t-on donné quelque chose ou ôté quelque chose?

L'enseignement du dessin, en tout cas à mon sens, serait plus du côté de la sculpture où face à un bloc on doit soustraire de la matière pour révéler une forme. Il s'agit moins d'ajouter que d'éliminer. Eliminer quoi? D'abord des certitudes, des recettes trop rodées, une illusion de savoir faire. Je rencontre souvent des étudiants qui s'enferment dans des styles ou des approches typées, ancrées, avec ceux-là il est très dur de leur apporter quoi que ce soit. Il y en a de très doués, mais il est un peu triste de voir qu'il resteront dans leur certitudes et surtout dans une forme figée et limitée. Eliminer aussi la poussière qu'on a dans l'oeil. Parce que finalement c'est quoi dessiner? Cela n'engage pas qu'une souplesse du poignet, ou le fait d'arriver à faire coincider ce qu'on a en tête avec ce qui arrive sur le papier, bref à maîtriser des formes. Dessiner engage d'abord la vision qu'on porte sur les choses. Autrement dit il faut se faire une idée des choses, apprendre à les voir avant de vouloir en poser une trace sur la feuille (bref, ne pas mettre la charrue avant les boeufs). Parce qu'on ne voit pas bien, dessiner revient d'ailleurs à se frotter les yeux. Et on en a pour une vie. Le lien entre vision et dessin n'est pas que de l'ordre de l'évidence (même si après tout un aveugle peut aussi dessiner). On dessine ce qu'on voit (mal ou bien, ou qu'on entre-voit). Il y a une dimension plus subtile où voir et dessiner c'est kif kif, à tel point que dessiner c'est voir et voir est dessiner. Je précise mon propos : le dessin commence bien avant le contact entre encre, outil et papier. Et il continue aussi après l'acte de dessiner. Un vrai dessinateur voit le monde sous forme de dessin et c'est comme ça qu'il dessine mieux le monde.

On peut ainsi dessiner sans crayon, sans encre, sans support. De même qu'un photographe inspiré peut prendre mentalement des clichés, extraire un détail d'un ensemble, et occulter ce qui est superflu. Savoir voir est un préallable au dessin. Et dessiner est une façon de mieux y voir. Je ne dis pas qu'on doive en passer par le dessin d'observation pour être un (bon) dessinateur, pas du tout. Quel que soit le degré de simplification ou d'abstraction d'une oeuvre dessinée, la seule référence c'est le visible. Ainsi, même si je dessine de tête, que "j'invente" des formes, qu'est-ce que je fais sinon de synthétiser des milliards d'images perçues et mémorisées, stockées à l'intérieur? En général, le dessinateur a pour cette raison l'oeil vorace et avide du moindre détail. Tout peut servir. Rien n'est à bannir.

 

J'essaierai de poursuivre ces réflexions libres autour du "dessiner".

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